3° dimanche après la Théophanie

                  Is. 62. 6,9         Ro. 13. 8,10             Mt. 8. 23,27
               Saint Sulpice Sévère .  (Montpellier le 29 janvier 2012)

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, bien aimés, aujourd'hui comme hier, le monde et les hommes connaissent la tempête. Jésus dort. Et il dit aux chrétiens : « vous manquez de foi » puis il apaise la violence. Jésus est présent jusqu'à la fin des temps, et absent pour laisser place à l'homme.

L'Evangile d'aujourd'hui peut éclairer celui du mercredi saint qui est le programme de toute notre année ensemble. (Lc. 22. 34,37 ). Jésus y annonce à Pierre qu'il le reniera or le triple reniement de Pierre n'est pas seulement un fait de l'histoire il y a quelque deux mille ans, c'est le triple reniement de l'homme . Il consiste à tuer les corps : l'Eglise s'y est décidé après mille ans, au Nom de Dieu fait homme, ce qui est un comble. Il consiste ensuite à interdire la vie au nom du savoir; c'est l'esprit d'inquisition dont les fruits ont été la torture, les bûchers puis tous les poisons au plus intime, de tous les puritanismes pour devenir les diverses conspirations du silence qui visent à l'anéantissement d'un prophète, d'une civilisation ou d'une Eglise. Il consiste aussi à oublier l'esprit créé et l'invitation à son alliance avec l'esprit incréé , attitude qui a été une confiscation de l'Esprit-Saint par le clergé et la réduction de la vie de l'Eglise au social et au politique : l'amélioration de l'humanisme suffirait à l'homme. Or « Je suis la Vérité » dit Jésus. La Vérité est Dieu fait homme. Elle propose à l'homme la divino-humanité.

Après qu'il eût annoncé ce triple reniement qui tente l'homme, Jésus invite à ne pas tout attendre de la grâce, de la providence divine, à ne pas s'installer, même dans la joie de la plénitude désirée, reçue, accueillie. A ce sujet, un très grand saint , Syméon le Nouveau Théologien, après l'expérience ineffable de la lumière incréée, plusieurs fois dans sa vie, se plaint de n'être plus illuminé par la Présence de Jésus-Christ. Jésus dort pour lui. Et que Lui répond-il ? Il lui rappelle qu'il a été comme un bébé nourri par les sacrements, qu'il est devenu adolescent par la grâce de la rencontre du père spirituel qui lui convenait, qu'ainsi il est un adulte. Comme il a beaucoup reçu , il lui est demandé de beaucoup donner et de servir. La lecon de notre évangile du mercredi saint et de celui de ce dimanche, sont du même ordre . Ne plus tout attendre de Dieu mais compter aussi sur sa bourse, sa besace et son glaive, est le programme. La bourse contient le trésor personnel : il est tout le feu et toute la force que l'Esprit-Saint a donnés depuis la Pentecôte. Ne pas l'oublier c'est devenir « le sel de la terre » et c'est ainsi refuser d'en être la sirupeuse bonne conscience. La besace est la conscience de la déification peu à peu accomplie lors des sacrements et surtout lors de la communion au Corps et au Sang du Christ. Le glaive qu'il est demandé d'acheter après avoir vendu son manteau, est l'arme de la vigilance nécessaire dans le combat intérieur. Le manteau représente le confort de toute suffisance. Le vendre pour combattre c'est refuser de mettre au premier rang l'humanisme, de ne pas en rester au meilleur de l'homme , de s'opposer à tout ce qui le limite à lui-même , car il est appelé à devenir dieu par alliance. Le combat a lieu contre toute installation en dehors de la divino-humanité qui est le sens de la vie de l'homme. Par ce combat, il participe à la grâce incréée, la croyance devient la foi qu'il cultive , tout rang, toute joie, tout service demeurent ouverture à l'espérance car rien de seulement humain ne lui suffit, et peu à peu le désir de charité devient réalité, amour gratuit de tout ce qui vit . Là est le chemin de la ressemblance à la Tri-unité. Il est proposé à chaque personne révélée à elle-même et à chaque nation, ethnie, civilisation. « Va vers toi » ne cesse de dire le Bien Aimé, Dieu, à la bien-aimée et Il Iui précise : Je t'en donne la lumière et la force, ne reste plus dans les langes du nourrisson. Que le Père et le Fils et le Saint-Esprit, Dieu un, nous donne le désir et la force de voir en nous grandir l'homme adulte, créature vivifiée appelée à devenir vivifiante.

                         Père Bernard